La gestion des prairies constitue un axe important du programme agroenvironnemental. Des suivis botaniques ont été réalisés sur des parcelles engagées en « prairies naturelles » (MB2) et en « prairies de haute valeur biologique » (MC4) afin d’évaluer l’impact du cahier des charges de ces méthodes sur la flore des écosystèmes prairiaux.
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Evaluation biologique de la méthode « Prairie naturelle » (2012)
Dans le Programme wallon de Développement Rural [2007 – 2013], la MAE « prairie naturelle » concernait 15 000 ha, soit 4% des superficies de prairies permanentes en Wallonie. En tout, 2 100 agriculteurs étaient engagés dans cette méthode. Son objectif environnemental consiste à assurer (1) le maintien ou l’amélioration de la biodiversité (faune et flore) des prairies et (2) le développement du maillage écologique sur l’ensemble du territoire. Les objectifs de l’étude sont doubles : (1) évaluer avant tout la valeur biologique des prairies observées et (2) vérifier le respect des divers points du cahier des charges, principalement la date d’intervention et le respect de la bande refuge en cas de fauche.
Méthodologie
- Echantillon : 55 parcelles engagées en prairies naturelles ont été visitées, pour une surface totale de 130 ha divisés en deux ensembles (27 parcelles en zone limoneuse et 28 parcelles en Condroz).
- Localisation : Zone limoneuse (parcelles situées entre Lens et Rebecq et entre Binche et Fontaine-L’éveque) et Condroz (parcelles situées entre Godinne et Ciney).
- Méthode et indicateurs : quatre indicateurs d’évaluation ont été retenus : (1) la valeur biologique de la prairie (déterminée selon une échelle standardisée utilisée pour la MAE ciblée « Prairie de haute valeur biologique ») ; (2) la présence de plantes à fleurs « banales » mais qui présentent un intérêt pour la biodiversité ; (3) la situation de la parcelle dans le paysage (bocage, fond de vallée, lisière forestière, pré-verger) et (4) le respect de certaines conditions du cahier des charges (date de fauche ou de pâturage, maintien d’une zone refuge).
Résultats
La synthèse des différentes observations effectuées montre que :
- Dans les deux régions, le cahier des charges (date d’intervention et présence de 5% de zone refuge pour les parcelles fauchées) est respecté dans 2 prairies sur 3.
- La valeur biologique des prairies du Condroz est plus élevée, avec une présence de 20 % de prairies de haute valeur biologique (et aucune PHVB en zone limoneuse). Par contre, le potentiel d’éligibilité en MAE 8 est identique dans les deux régions sur base du % de parcelles (1 prairie sur 3) et est même supérieur en zone limoneuse sur base du % en surface.
- Le critère « présence d’espèces à fleurs banales » est aussi paradoxalement plus élevé en zone limoneuse (50 % des prairies avec ces espèces) par rapport au Condroz (33 %).
- En ce qui concerne le contexte écologique favorable, le Condroz se démarque plus nettement avec 90 % des prairies bien localisées, principalement en lisière de boisements feuillus et en zone semi-bocagère.
- Au final, en combinant les valeurs biologiques et la présence d’un contexte écologique favorable, on constate que seulement 40 % des prairies en zone limoneuse et 30 % des prairies en Condroz participent pleinement au développement du maillage écologique.
*: les parcelles à l'abandon sont considérées comme ne respectant pas le cahier des charges
Suivi des « prairies de haute valeur biologique » (2008 – 2015)
La méthode "prairie de haute valeur biologique" rencontre beaucoup de succès dans le programme agroenvironnemental wallon. Il est donc important d'évaluer si le cahier des charges de cette méthode permet de préserver la flore de ces milieux.
Méthodologie
- Echantillon : En 2008, un échantillon de 51 prairies a été visité au sein de 24 exploitations (108 ha) engagées en MAE « PHVB ». Cet échantillon a été revisité en 2015.
- Localisation : région jurassique (ou Gaume ou lorraine belge)
- Méthode et indicateurs : évaluation de la valeur biologique par relevés floristiques (Braun-Blanquet) sur des placettes de 5m2 positionnées au GPS. Mesure de quatre indicateurs : (1) valeur biologique globale ; (2) la richesse spécifique ; (3) la richesse en nutriment (indice azote d’Ellenberg et Julve) et (4) l’état de conservation (EC) déterminé uniquement pour les prairies Natura 2000 de l’échantillon, à savoir les habitats « prairies de fauche de basse altitude et sub-montagnarde, qui représentent plus de la moitié des prairies de l’échantillon.
Cet EC a été évalué sur base des indicateurs « intégrité du cortège floristique » (calculé sur base du nombre d’espèces caractéristiques et de leurs recouvrements) et « menaces et perturbations » (calculé sur base du recouvrement des espèces eutrophes et du recouvrement des espèces typiques de pâturage intensif). Pour chacun de ces critères, des seuils ont été établis afin d’en déterminer l’état de conservation (A) favorable, (B) inadéquat, (C) mauvais ou « hors habitat ». Ces différents critères et leurs seuils ont été déterminés par le DEMNA (DGO3). Les calculs de ces états de conservation ont été réalisés via l’outil BIOGEONET.
Résultats
Les principaux résultats sont les suivants :
- 23% des parcelles n’ont pas été ré-engagées en MAE « PHVB » pour diverses raisons. Une de ces parcelles a malheureusement été labourée.
- Globalement, la valeur biologique des prairies augmente. Les observations montrent une réduction marquée des prairies de faible valeur et une diminution importante des prairies de valeurs moyennes au profit des valeurs élevées.
- En 2015, 73% des prairies sont de haute valeur biologique contre 61% en 2008. Parmi les habitats qui évoluent de façon la plus marquée, ce sont les prairies de fauche qui représentent près de la 1/2 de l’échantillon (en 2015) contre 1/3 en 2008. Ce constat est assez logique car quasiment toutes les prairies sont fauchées en première gestion, d’où exportation importante des nutriments du sol et de ce fait, amélioration de la diversité floristique.
Evolution de la valeur biologique des prairies de 2008 à 2015
(en rouge: valeur faible - en jaune: valeur moyenne - en vert: valeur élevée)
- La richesse spécifique (RS) montre une augmentation globale de presque 2 espèces en moyenne par prairie. Dans le détail, on observe une augmentation de la RS sur 65%, une stabilité sur 8% et une diminution sur 27%. La RS la plus élevée est de 34 espèces dans une prairie de fauche humide à molinie et silaüs des prés.
- La richesse en nutriment (indice N) montre une diminution globale assez limitée de 5,5 (en 2008) à 5,3 (en 2015). Dans le détail, on note une diminution de l’indice N sur 54%, une stabilité sur 11% et une augmentation sur 35%.
- L’état de conservation (EC) des prairies Natura 2000 montre l’évolution suivante (voir diagramme ci-dessous) :
- légère augmentation des prairies en très bon EC (état A), passant de 2 à 4 prairies, soit de 9 à 17%
- forte augmentation des prairies en bon à moyen EC (état B), passant de 8 à 12 prairies, soit de 35 à 52%
- forte diminution des praires en mauvais EC (état C) et hors habitat (état "/"), passant de 13 à 7 prairies, soit de 56 à 30%.
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Le critère « recouvrement en espèces caractéristiques » évolue un peu moins favorablement car les espèces caractéristiques à fort développement (ombellifères, fromental, crépis, gaillet blanc, etc.) sont de moins en moins abondantes, au profit des espèces caractéristiques plus frugales comme la centaurée, la marguerite, le léontodon hispide, la knautie ou l’avoine pubescente.
En conclusion, on peut observer une évolution biologique très positive de la flore des parcelles engagées en « Prairie de haute valeur biologique » en Gaume. La végétation de l’habitat « prairie de fauche », encore très bien représenté dans cette région, évolue de plus en plus vers des habitats de type « pelouse » après plusieurs années de gestion par fauche sans apport de fertilisation. Il faut cependant regretter qu’un nombre significatif de prairies n’ont pas été ré-engagées après 5 années de contrat.