Chauves-souris et élevage : des intérêts réciproques?

 

Certaines publications internationales et quelques observations en Belgique indiquent que les chauves-souris chassent et établissent parfois leur gîte dans les bâtiments d’élevage. Si c’est le cas, il y a probablement des intérêts réciproques : les chauves-souris en Europe se nourrissent toutes uniquement d’insectes, et capturent donc les insectes nuisibles au bétail (et aussi aux cultures et aux humains!), alors que les bâtiments d’élevage peuvent leur procurer gîte et garde-manger. Un projet de Natagriwal et Plecotus s’intéresse à ces aspects.

Natagriwal et Plecotus, le pôle "chauves-souris" de Natagora, travaillent ensemble depuis cette année sur un projet de deux ans qui vise à déterminer si les chauves-souris chassent et s’établissent dans les bâtiments d’élevage. Cette année, Nicolas Bourlon, étudiant en 3e Bachelier Techniques et Gestion Agricoles option Environnement à la Haute Ecole Charlemagne de Huy, a effectué son stage et son travail de fin d’études chez Natagriwal sur ce thème. Voici un résumé inspiré de son travail, qui est intitulé : "Pourquoi et comment favoriser les chiroptères autour et dans les bâtiments d’élevage?".

Autant intrigantes que peu connues, les 23 espèces de chauves-souris wallonnes sont des individus aux caractéristiques particulières. Ces dernières diffèrent notamment par leurs régimes alimentaires, leurs techniques de chasse, leurs gîtes d’hibernation et de nichage, leur demande en température qui varie en fonction de la saison, le pourcentage d’humidité dans l’air et leur manière de se déplacer entre deux milieux. Bien que protégées à l’échelle mondiale depuis 1983 par la convention de Bonn, ainsi qu’à l’échelle européenne par la convention de Berne en 1990, les chiroptères ont du mal à s’adapter aux emprises de l’action humaine qui ne cessent de les empoisonner.

L’agriculture intensive participe à la diminution des individus en détruisant différents milieux dont les chauves-souris sont dépendantes et les produits chimiques utilisés, en les intoxiquant, réduisent la quantité de nourriture en tuant les insectes. Ensuite, l’activité humaine les dérange lors de leur hibernation, ce qui peut conduire à leur mort à cause d’un manque d’énergie. Les différents projets de construction, tels que les éoliennes, les autoroutes et les rénovations de bâtiments, contribuent aussi à la perte d’habitats et à l’augmentation du taux de mortalité. Il porte à penser que les chauves-souris sont des mammifères ne pouvant pas apporter de bénéfices aux écosystèmes, c’est pourtant le contraire. Leurs régimes alimentaires peuvent se composer d’une grande partie de ravageurs ou de vecteurs de maladies, leur guano (leurs déjections) est un très bon fertilisant, et elles pourraient donc compléter le rôle des hirondelles déjà présentes dans les étables. Ces bénéfices n'ont pas de revers de la médaille puisque les chauves-souris ne dégradent pas les milieux, les espèces wallonnes ne véhiculent pas de maladies. Elles ne sont pas territoriales, donc la cohabitation avec d’autres espèces est tout à fait possible. Les étables pourraient dès lors être une solution permettant aux chiroptères d’avoir des habitats sécurisés, accompagnés d’une disponibilité en nourriture. Les caractéristiques des exploitations agricoles permettant de favoriser ces mammifères sont pour le moment et en partie hypothétiques, mais l’élément qui semble être le plus pertinent est le maillage écologique du milieu d’accueil, rassemblant le plus d’éléments bénéfiques pour les diverses espèces de chauves-souris. La connexion entre les milieux (milieux de chasse et de gîte) est un paramètre essentiel pour leur venue et leur survie. Un espace de 10 mètres entre deux tronçons d’une haie, fréquemment utilisé comme corridor afin de se déplacer, entraînerait une barrière pour la circulation des chauves-souris.

Construction et pose de gîtes artificiels pour les chauves-souris

 

Le travail de Nicolas est la phase préparatoire d’un projet d’étude sur les étables comme biotope pour les chauves-souris, portant sur la récolte d’informations, la construction de gîtes artificiels et la sensibilisation des agriculteurs. L’objectif du projet « ferme » est de répondre à de nombreuses questions telles que : quelles espèces de chiroptères viendraient dans les bâtiments d’élevage ? Est-ce que les chiroptères pourraient nicher dans un bâtiment à côté des animaux, et viendraient chasser à l’endroit où ceux-ci sont présents ? Quelles espèces nicheraient dans quel type de nichoir ? Le type de production de la ferme (viande, lait) influence-t-il la présence des chauves-souris ? Les réponses à ces questions devraient arriver dans le courant des prochaines années, et permettraient d’avancer dans la chiroptérologie pour leur apport économique et naturel dans l’agriculture.

Pour plus d’informations à ce sujet, vous pouvez contacter Ariane Meersschaert à l’adresse ameersschaert@natagriwal.be ou au 0493 14 05 10.

 

Date: 27-07-2022